Discours de remise de l’Ordre des Palmes académiques à Mme. Marie Pravdová, M. Miroslav Pravda et M. Václav Richter (30 janvier 2014) [cs]

Discours de l’Ambassadeur à la remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre des Palmes académiques à Marie Pravdová, Miroslav Pravda et Václav Richter.

Palais Buquoy, jeudi 30 janvier 2014.

Madame Marie Pravdová,

Monsieur Miroslav Pravda,

Monsieur Václav Richter,

Mesdames, Messieurs,

C’est un grand plaisir pour moi de vous accueillir, tous les trois, en présence de vos amis et de vos proches, ce soir au Palais Buquoy, lieu emblématique des relations franco-tchèques depuis plus de neuf décennies. Nous sommes en effet réunis pour vous exprimer la gratitude de mon pays en distinguant chacun d’entre vous dans l’Ordre des Palmes académiques. La République française reconnaît ainsi vos services éminents au savoir, à l’éducation, à la francophonie, au journalisme mais surtout au renforcement des liens que vous avez su tisser entre nos deux pays, pendant près de quatre décennies.

Pour avoir été en poste dans ce pays dans les mois qui ont suivi la révolution de velours, je sais combien l’inscription dans la durée des relations culturelles entre nos deux pays est redevable à tous ceux qui ont le choix, pendant la période de la normalisation, de rester ouvert sur le monde occidental et en particulier sur la francophonie. Tous les trois vous avez fait ce choix lors de votre jeunesse et durant votre vie professionnelle.

Aujourd’hui, ce choix paraît banal. Nous savons tous ici, qu’il y a 40 ans, ce n’était pas le cas. Les contraintes policières et administratives visaient à rendre difficile la vie et le travail de ceux qui – comme vous - cherchaient une ouverture sur les cultures occidentales – et pas seulement sur la culture française, je veux le souligner. Chacun de vous, à des niveaux différents et dans des contextes professionnels différents vous avez privilégié l’apprentissage et la diffusion de la langue, de la culture et de la pensée françaises.

C’est dans ce contexte et face à ces pratiques qu’on a peine à imaginer aujourd’hui qu’intervient pour vous aider dans cette promotion de notre langue et de diffusion des idées, le programme européen du congrès pour la liberté de la culture dont l’animateur – au sens étymologique du terme - fut Pierre Emmanuel, résistant, journaliste, poète, et membre de l’Académie française. Dans une Europe entourée de fils barbelés, il s’agissait de soutenir la libre circulation des hommes, des idées et des cultures. Ce programme octroyait des bourses organisait des colloques et surtout faisait circuler des livres et des revues dont vous avez pu, à l’époque bénéficier. Des émissaires de ce programme se rendaient en Tchécoslovaquie et dans bon nombre d’autres pays, pour y soutenir –sous différentes formes et pas seulement morales- les intellectuels, les universitaires, les journalistes désireux d’échapper à la culture officielle imposée où à une liberté intellectuelle factice. Parmi ces messagers, figurait en bonne place Madame Roselyne Chenu, proche collaboratrice de Pierre Emmanuel qui est parmi nous ce soir et que je suis très heureux de saluer. Je vous saurai gré, Madame, de transmettre mes salutations à Monsieur Gérard Errera, conseiller d’Etat honoraire, qui n’a pas pu être parmi nous ce soir et dont l’engagement à vos côtés fut très notable.

Permettez-moi maintenant de m’adresser à chacun de vous en particulier.

Monsieur Pravda,

Diplômé de l’Université Charles de Prague en 1952, vous ne cessez pas, durant toute votre carrière professionnelle d’enseigner notre langue et plus généralement de la diffuser. Votre expérience pédagogique et votre intérêt soutenu pour les méthodes d’enseignement notamment celle de la langue française, vous valent très vite des responsabilités pédagogiques et administratives éminentes dans votre université. Vous publiez d’ailleurs plusieurs méthodes d’enseignement du français qui seront utilisées par des générations d’étudiants tchèques. Vos activités d’enseignement à l’Université Charles ont été interrompues par plusieurs missions de lecteur de langue tchèque dans le Département des études slaves de l’Université de Provence d’abord à la fin des années 1960 puis de 1990 à 1993. Si la langue enseignée change, votre engagement et votre enthousiasme ne sont pas altérés et vous permettent d’amener à la langue tchèque de nombreux étudiants français dont un des plus prestigieux n’est autre que Monsieur Antoine Marès qui occupe actuellement la chaire d’histoire contemporaine de l’Europe centrale à la Sorbonne.

Tout au long de votre parcours professionnel, vous êtes accompagné par votre épouse vers laquelle je me tourne maintenant.

Madame Pravdová,

Diplômée de l’Université Charles de Prague en 1966, vous complétez, Madame Marie Pravdová, votre formation par une maîtrise de linguistique à l’Université de Provence en 1971 puis de retour à Prague vous soutenez votre thèse de doctorat à l’Université Charles. Vous enseignez à la chaire des langues de l’Ecole supérieure d’économie, puis à partir de 1990 à l’Institut des études romanes de la faculté des lettres de l’Université Charles, poste que vous occuperez jusqu’à votre départ à la retraite en 2006. Votre parcours professionnel a été marqué également par plusieurs missions d’enseignement en France à l’Université Stendhal de Grenoble, puis à Aix et enfin à Montpellier.

Ce que je veux mentionner explicitement - et je veux le faire pour vous comme pour votre époux – vous avez fait partie des premiers enseignants étrangers à suivre et à diffuser, ici à Prague, les méthodes d’enseignement innovantes, notamment la méthode audiovisuelle, et c’est aussi votre rôle de pionnier que nous voulons saluer ce soir.

L’un comme l’autre, vous attachez une importance considérable à la notion de modernité en pédagogie, à l’évolution de recherches pédagogiques et de méthodes didactiques. Disons le clairement, dans la Tchécoslovaquie des années 70 et 80, c’était un véritable défi. Ce défi, vous l’avez relevé tous les deux.

Monsieur Richter,

Votre parcours est assez différent de ceux de Monsieur et Madame Pravda et pourtant se détache le même engagement pour la diffusion de notre langue et de notre culture, le même enthousiasme pour mieux faire connaitre une culture étrangère. Seuls les vecteurs utilisés sont très différents.

Pendant vos études de langues et littératures romanes à l’Université Charles de Prague, à la fin des années 60 vous travaillez à la bibliothèque de l’Institut français de Prague – dans la réalité une salle de lecture étroitement surveillée par le pouvoir - à une période où elle est le seul service culturel occidental resté ouvert dans la Tchécoslovaquie et où on peu lire des ouvrages d’auteurs occidentaux contemporains. Sous la vigilante tutelle d’Henri Ehret, conseiller culturel et directeur de la Štěpánská qui est parvenu au terme d’un parcours très compliqué à rouvrir la Bibliothèque de l’Institut français, vous vous familiarisez avec notre littérature. En 1971, vous obtenez une bourse pour rédiger un mémoire à la Sorbonne. Dès votre retour l’année suivante, vous choisissez la voie difficile du journalisme à la radio Československý rozhlas qui deviendra Český rozhlas en 1993. Chargé de la rubrique littéraire, vous produisez puis réalisez, rien que dans les vingt dernières années, plus de huit cent émissions, dont une série sur l’histoire de la littérature tchèque à l’attention du public francophone, et également une série consacrée à l’histoire des échanges littéraires entre la République tchèque et la France, par l’étude croisée des nombreux mouvements qui créent une passerelle entre Prague et Paris.

C’est cependant dans vos entretiens avec des auteurs ou artistes de passage à Paris que vous avez rendu les plus grands services à la connaissance de la culture française pour nos amis Tchèques. Des dizaines de personnalités, parmi lesquelles figurent Pierre Boulez, Philippe Noiret, Bruno Crémer, Olivier Py, Alain Robbe-Grillet, ont été interrogés par vous.

Dans le domaine du livre et de l’écrit, vous êtes un collaborateur régulier des éditions Mladá Fronta, et vous êtes passé à la traduction professionnelle parmi lesquelles figurent le roman de de Jean Genet, Querelle de Brest. Ainsi, pendant des années - à une époque où elle était ni traduite ou très peu enseignée - vous diffusez notre littérature contemporaine et c’est à ce titre que vous avez eu un rôle dans le rayonnement de notre langue en Tchécoslovaquie, puis en République tchèque.

Madame, Messieurs,

C’est donc à tous ces titres que nous souhaiterions honorer votre travail et vous redire notre gratitude. Depuis plus plusieurs décennies, vos travaux contribuent aux relations franco-tchèques, dans des domaines de la pédagogie, de l’enseignement, de la littérature et du journalisme. C’est un motif de satisfaction particulier pour nous et donc une joie singulière de pouvoir récompenser ce travail.

Madame Marie Pravdová, Monsieur Miroslav Pravda, Monsieur Václav Richter, pour votre contribution au renforcement des relations franco-tchèques, au nom du Ministre de l’Education nationale et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je vous remets les insignes de Chevalier dans l’Ordre des Palmes académiques.

Dernière modification : 12/06/2015

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